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Encre Nocturne   

Jusqu'au bout de la mort [-18]

Tifani | Publié le jeu 23 Aoû 2018 - 15:30 | 490 Vues

Ce rêve est classifié [-18] pour les raisons suivantes : mort, suicide, violence, sang, décomposition (zombies), génocide. Si vous n'êtes pas à l'aise avec ces thèmes, je vous déconseille la lecture de ce qui suit. Si vous êtes malgré tout curieux, n'hésitez pas à me MP pour un résumé moins sombre.

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Avant-propos: Ce rêve est en réalité composé de trois rêves que j'ai fait dans la même nuit. Ce qui m'a permis de comprendre qu'il s'agissait du même personnage dans le même univers, c'est la présence dans les deux derniers rêves d'un objet que j'avais récupéré dans le premier (une aiguille).

La particularité de ce rêve, au delà du thème assez chaotique, est l'état dans lequel j'étais en le vivant: je me sentais vraiment comme mon personnage, survivante, vétéran de guerre, avec toute l'amertume mais aussi l'expérience que cela impliquait. Pour cette fois, j'ai donc décidé de raconter ce rêve comme un écrit, en immersion, sans les marques d'humour et commentaires habituels.

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La situation est désespérée, mais les regards fatigués de mes compagnons ne me font pas ralentir une seule seconde. Ils peuvent arriver d'une minute à l'autre. Trop d'entre nous sont déjà morts, pour grossir les rangs de nos ennemis de toujours. Leurs râles nous parviennent au loin, alors que leurs silhouettes commencent à apparaître sur la plage de l'île où nos derniers membres se sont réfugiés. La villa abandonnée ne tiendra pas longtemps sous les coups de l'armée qui a traversé la mer pour nous retrouver. C'est pourquoi je dois mettre toutes les chances de notre côté.

Je fouille les placards, et je tiens déjà fermement dans mes mains toute une série d'arme potentielles. Nos meilleurs combattants ont déjà reçu les battes de baseball et crosses de hockey que j'ai pu trouver dans les chambres des enfants. Pour le reste, l'existence de cet ancien atelier est une aubaine. Que ce soit un ancien mécanicien ou un sculpteur de métal, ses étranges aiguilles métalliques feront des épées parfaites. Malheureusement, tous ne pourront pas en bénéficier. Beaucoup se retrouvent encore désarmés, et un peu dépitée, je leur conseille rapidement de démonter des meubles pour se constituer des armes de fortune, avant de me glisser dans la nuit, à l'extérieur.

Certains d'entre nous sont déjà en train de se battre sur la plage, pour maintenir à distance l'immense masse qui se rapproche. Les circonstances ne sont pas idéales. Le sable ralentit les déplacements des nôtres, nous plaçant à égalité avec nos anciens camarades. Et la nuit nous empêche de bien tous les distinguer, malgré les lampes torches placées sur le toit de la villa pour faire office de projecteur. Mais ce n'est peut être pas plus mal, je pense, alors que je les rejoins pour fracasser le crâne de l'un d'entre eux à coup d'aiguille métallique. Je ne suis pas sûre que j'aurais eu le courage de massacrer de la sorte ces monstres qui portent les visages de nos familles, de nos amis et amants. Combien d'entre eux nous ont-ils déjà pris? Cela fait tellement longtemps que je n'arrive plus à m'en souvenir. C'est peut-être pour le mieux. Pas de souvenirs, pas de remords. Un autre monstre rejoint son camarade dans le sable.

Lorsqu'un cri retentit, provenant de la villa, voyant que mes camarades arrivent à maintenir les monstres à distance, je fais demi-tour, et court jusqu'à la villa. Les monstres commencent à l'envahir, et les moins téméraires d'entre nous sont tous simplement terrifiés. Certaines des monstres sont déjà en sale état, la chair partiellement décomposée, laissant apparaître leurs os par endroit. Mais ce ne sont pas ceux qui m'effraient le plus. Les plus récents convertis se tiennent debout, identiques à nous. Mais leur regard est vide, juste empli d'une obsession démente. Tuer, nous tuer tous.

Sans perdre de temps, je fracasse tous ceux que je rencontre, laissant une trêve aux quelques traumatisés par cette vision, et me frayant un passage vers le poste de garde. Sans surprise, je tombe sur un petit groupe des monstres, et sur le malheureux chargé de surveiller l'horizon. Il est toujours assis à son poste, mais sa tête est penchée en arrière, et l'expression figée sur son visage laisse encore paraître la peur qu'il a dû avoir, à être subitement saisi par des monstres qu'il n'a pas vus venir. La large morsure sur son cou commence à se refermer, et ce ne sera que l'affaire de quelques minutes avant qu'il ne devienne l'un d'entre eux.

M'assurant de rester hors de portée, je neutralise les monstres un par un, et tire machinalement leurs corps sur le côté pour nettoyer le toit. Trop de bons guerriers s'étaient fait avoir en trébuchant sur des corps qui trainent. Je m'arrête un instant devant le corps pour l'instant sans vie de mon ancien camarade, et je soupire, sentant la nausée m'envahir. Les yeux fermés, je le saisis par les cheveux, et je lui tranche la gorge d'un coup sec, avant de me détourner rapidement. J'essaie de me réconforter en me disant que je n'avais pas le choix, mais je n'en ai pas vraiment le temps.

Les bruits de lutte en dessous me laissent entendre que la situation est loin d'être stabilisée. Je jette un coup d'oeil au projecteur, toujours dirigé vers nos combattants sur la plage. Sentant un frisson m'envahir, je m'avance impulsivement vers lui. La situation est mauvaise, mais je dois savoir à quel point. Je le fais tourner, balayant la petite île de lumière un instant. Et mon sang se glace dans mes veines quand je ramène le projecteur contre ma poitrine. Les monstres... ils sont absolument partout. Une nuée noire qui nous encercle, sans merci. Trop occupés à éclairer nos guerriers, personne ne s'est rendu compte qu'ils se sont avancés, lentement mais sûrement, dans l'obscurité.

J'hésite pendant quelques secondes. Qui sauver? Qui avertir? Les combattants sur la plage sont les plus vulnérables, mais aussi les plus proches de notre bateau. Mais c'est moi qui ai dit aux jeunes de rester barricadés à l'intérieur pour lutter. Je ne peux pas les abandonner. Même si je dois mourir pour cela. Je me précipite dans les escaliers, mais arrivée en bas, je me fige. Je dois prendre sur moi pour ne pas laisser le sentiment de rage et de révolte qui nait en moi prendre le dessus. Mais je n'arrive pas à chasser le désespoir que je ressens devant cette scène. Je suis sûre qu'ils ont bien lutté, comme ils pouvaient. Mais personne ne peut combattre éternellement ce flot continu de monstres. Leurs corps disparaissent sous la masse, et je sais pertinemment qu'avec toute l'énergie du monde, je n'arriverais pas à les secourir à temps.

De retour sur le toit, je ne perds pas de temps. Je dois atteindre le bateau au plus vite, que les quelques combattants parviennent à me rejoindre ou non. La situation est trop désespérée pour que je puisse me permettre de jouer les héros. Je crie simplement pour les avertir, et attirer l'attention d'une partie de zombies, avant de me laisser tomber un étage plus bas, et commencer ma course folle vers le salut.

Désormais, ma priorité est tout à fait différente, et mes mouvements aussi. Je ne cherche plus à éliminer les monstres comme précédemment, et j'utilise uniquement l'aiguille pour repousser les quelques uns qui se trouvent trop proches à mon goût. Je trace un chemin à travers la masse sans ralentir une seconde, et je vois du coin de l'oeil que les quelques survivants se sont réunis pour essayer d'atteindre la mer tout comme moi.

Je commence à fatiguer et à ralentir, et repousser les monstres devient de plus en plus pénible. C'est donc avec une surprise et un soulagement infini que je me retrouve tout à coup devant la coque en bois du bateau de fortune qui nous a menés ici. Je profite d'avoir un peu distancé les monstres pour m'y hisser difficilement, et j'entreprends de les repousser avec l'aiguille en attendant les autres. Mais leur situation est beaucoup plus désespérée que la mienne. Les monstres que j'ai entraînés dans mon sillage se retournent, comme un piège mortel qui se referme impitoyablement sur eux.

Je m'apprête à détacher la corde en les voyant encerclés, quand l'un d'entre eux saute sur le dos de ses camarades, et entreprend de franchir le peu de distance restante en piétinant les monstres. Derrière lui, les survivants sont littéralement engloutis par les monstres indifférents. Ma main se referme sur la sienne alors qu'il s'effondre sur la coque, et je le hisse lui aussi à bord. Sans attendre qu'il se remette, je tranche la corde d'un coup sec, et le bateau commence à dériver.

Sans lui laisser le temps de souffler, j'examine soigneusement ses vêtements déchirés, à la recherche d'une plaie ou morsure qui laisserait deviner qu'il a été contaminé. Si c'est le cas, je me retrouverais contrainte de le tuer lui aussi, et de le jeter à la mer, et autant le faire tant que j'ai l'avantage. Il est trop épuisé et fébrile pour se défendre, et il se laisse examiner sans broncher, reprenant son souffle. Mais heureusement pour nous deux, à l'exception de quelques égratignures ou plaies plus anciennes, il est sain et sauf. Nos regards se croisent alors que je réalise que l'île est déjà loin à l'horizon. Et pour la première fois depuis longtemps, je sens la pression retomber, et les larmes me monter aux yeux. Nous ne sommes plus que deux.

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Détachant mes cheveux, je me regarde nerveusement dans la glace de la petite cabine dans laquelle je me trouve. Je me reconnais à peine. Mes traits sont beaucoup plus secs, trahissant la faim et la fuite à laquelle nous avons été contraints. L'éclat argenté de mes cheveux courts parait presque irréel, et je passe ma main dedans, comme pour m'assurer qu'ils existent bel et bien. La teinture a été efficace, et mes cheveux bruns et rouges ont complètement disparu. Mon ancienne apparence va me manquer cruellement, mais je sais que je n'ai pas le choix. Elle aurait été bien trop reconnaissable, et aurait fini par m'être fatale.

Jetant tout le matériel et mes anciens vêtements dans la poubelle de la cabine, je jette un regard à l'aiguille qui m'a accompagnée jusque là, et j'hésite. C'est ma seule arme, et je ne sais pas à quoi je me retrouverai confrontée dans cette dernière mission. Mais elle est particulièrement inhabituelle et voyante. Puis jetant un nouveau coup d'oeil aux quelques magazines de mode desquels je me suis inspirée pour ma nouvelle apparence, je l'accroche à ma ceinture, et utilise le reste de teinture pour dessiner des engrenages sur ma veste. Le résultat est bluffant, et l'aiguille semble désormais un parfait accessoire de mode pour ma tenue un peu originale.

Lorsque je descends du train, les regards se posent sur moi, mais je les soutiens avec un demi-sourire que j'espère aussi confiant que possible. Heureusement pour moi, je sais que leurs murmures concernent ma tenue qu'ils n'ont jamais vue dans le moindre magasin de mode, et qui plait visiblement. J'aurais presque pu me reconvertir pour disparaître de la circulation une bonne fois pour toute, et commencer une nouvelle vie. Mais mon peuple a toujours été ainsi. Le seul à refuser de se soumettre à l'Ordre, et le seul à se battre pour sa liberté jusqu'à son éradication presque totale. Nous avions un proverbe, à l'époque. Mais lui aussi a presque sombré dans l'oubli, depuis tout ce temps. Il n'en reste plus qu'une chose. Ma volonté féroce de semer le chaos jusqu'à ce que leur crime de guerre soit enfin reconnu à travers le monde entier.

Alors que j'avance à grands pas sur les quais vers le train suivant, je scrute les panneaux d'affichage. Mon visage et celui de mon ancien camarade sont toujours affichées sur les immenses écrans, mais malgré nos airs exagérément mauvais, je sens un sourire soulagé me monter aux lèvres. Si sa tête est toujours mise à prix, c'est qu'il est encore en vie, quelque part. Même s'il a abandonné notre cause, il reste précieux à mes yeux. Qui sait ce qui aurait pu se passer si j'avais accepté la nouvelle vie qu'il m'avait proposée, à l'abri sur le continent? J'aurais pu avoir cette vie douce et rangée à ses côtés, peut-être avoir des enfants... Mais aussi séduisant que ça puisse paraître, je n'ai pas pu me résoudre à abandonner tout ce que j'étais. Je préférais périr dans les flammes que dans la honte d'avoir renoncé au combat de mes ancêtres. Et c'était le scénario le plus probable, malheureusement.

Alors que je m'apprête à monter dans un nouveau train en direction de la capitale, mon regard se pose sur le nom de la station, perdue au beau milieu de nulle part. Mon coeur s'arrête quelques secondes, et je lâche lentement la barre du wagon pour me reculer de nouveau sur le quai et laisser passer les autres passagers. Willow city. Ce nom faisait figure de légende dans nos rangs, d'ultime objectif. C'est la base militaire où ils font leurs essais pour créer de nouvelles armes biologiques. C'est là qu'ils ont créé ce parasite qui transforme les nôtres en véritables machines à tuer, entres autres. Qui sait quelles autres armes ils ont créées, entre temps? En tout cas une chose est sûre. Si je dois saboter une chose avant d'être abattue, c'est bien cet endroit.

C'est vêtue d'une tenue militaire que j'ai volée dans des bureaux que je me présente à la porte, et très vite, je rentre dans l'enceinte du centre militaire. Personne ne me pose de questions, et pendant quelques instants, je trouve ça suspicieusement facile. Mais je n'ai pas de temps à perdre de toute manière. Si j'hésite une seconde, je serai une cible facile pour les gardes perchées sur les épaisses murailles de béton, et l'aiguille glissée dans mon pantalon ne me sera pas d'une grande utilité contre leurs armes à feu. Il me faut donc trouver au plus vite une arme qui me permette de me retrouver au moins à égalité face à eux.

Alors que j'avance à grands pas, un des enclos attire mon attention, et je rejoins les quelques gardes qui le surveillent. Un essai est en train d'avoir lieu. Je pense d'abord que l'arme en question est ce dinosaure immense qui tourne en rond dans l'enclos, et pourtant, je ne suis pas bien surprise. S'ils ont créé des zombies dans leur folie, pourquoi pas des dinosaures, après tout? Leur démence n'a et n'aura jamais aucune limite. Puis je remarque une silhouette harnachée en contrebas, tellement petite en comparaison que le dinosaure non plus ne l'a pas remarquée jusque là. C'est alors que l'impensable se produit. Une explosion se produit en contrebas, et en surgit à son tour en dinosaure, tout aussi grand que le premier. Les gardes se mettent alors en position, et lui tirent en rafale dessus pendant une bonne demi-minute, et je les imite tant bien que mal pour passer inaperçue malgré l'absence d'arme dans mes mains. Heureusement pour moi, ils sont trop focalisés sur le dinosaure immense pour s'occuper de moi.

Il me faut un bon moment avant de comprendre cette scène, qui pour moi n'a aucun sens. Les deux dinosaures s'affrontent aussitôt après que les coups de feu ont cessé, et le nouveau dinosaure tue le premier sans ménagement, et sans effort visible. Mais surtout, les quelques plaies creusées par les balles explosives se reconstituent sous nos yeux alors qu'il se redresse fièrement devant sa victime. Lorsque de la fumée s'échappe de nouveau et que le dinosaure disparait pour laisser paraître de nouveau l'homme harnaché, je sens un hoquet naître dans ma gorge, alors qu'enfin tout prend un sens. Ils n'ont pas seulement créé des dinosaures. Ils ont créé une arme qui permet à leurs soldats de devenir des dinosaures. Et c'est non seulement l'idéal pour ma mission, mais aussi une arme que je ne peux pas leur laisser entre les mains. Qu'importe les conséquences qu'aura ce prototype sur moi, je dois m'en emparer.

Alors que je détourne les yeux du spectacle, bien déterminée à retrouver cet homme et le délester de son harnais, je sens soudain les regards menaçants des autres soldats braqués sur moi. Mais ce n'est pas vraiment les regards qui m'inquiètent, et pendant une fraction de secondes, je sens l'horreur m'envahir. Il est déjà trop tard. Ils m'ont reconnue. Un cri retentit, et les coups de feu pleuvent. Dans un dernier moment de lucidité, je sens que j'ai été touchée à l'abdomen, alors que je chute en arrière jusque dans l'arène.

Le choc est terrible, et je sais que je ne pourrai pas m'en relever cette fois. Mais je ne suis pas la seule à le penser, puisque l'homme au harnais se penche au dessus de moi, et m'empoigne par le col pour me ramener à sa hauteur en riant. Sa dernière erreur à lui aussi. Mes doigts se referment sur l'aiguille, et le saisissant à mon tour, je lui tranche la gorge sans hésiter. Mon seul espoir repose désormais sur le temps qu'il leur faudra pour ouvrir les lourdes portes métalliques de l'enclos pour me rejoindre. Je ne cherche même pas à me protéger des balles qui pleuvent autour de moi du haut de la muraille, focalisée sur le harnais que je tente de voler à son propriétaire. Mais heureusement pour moi, les longues années à dépouiller les cadavres de mes frères m'auront au moins servi à une chose, et très vite, je resserre le harnais autour de ma taille ensanglantée. Pendant quelques secondes, je panique, incapable de savoir comment l'activer, ou même s'il est possible de l'activer une nouvelle fois. Puis finalement, je le trouve. L'actionneur, logé contre la hanche du harnais. Et tout bascule de nouveau.

Il me faut quelques secondes pour que ma vue s'adapte, et que mon esprit appréhende totalement la situation. Je manque de m'effondrer contre la muraille en voulant bouger, puis je finis par me souvenir. J'ai activé le harnais. Et au niveau de mon abdomen, les trous formés par les balles se referment doucement. Je sens une joie sinistre m'envahir devant les cris horrifiés des soldats, mais sans perdre de temps, j'abats mes avant bras et ma large tête sur la muraille, mettant fin à leurs années de service comme s'il ne s'était agi que d'insectes. Désormais, plus rien ne peut m'arrêter. Je suis bien décidée à exterminer tous ceux que je croiserai, et détruire pour de bon cet endroit. Il n'y a pas de victime innocente dans une guerre comme celle-ci de toute manière, pas quand on utilise les morts pour exterminer un peuple tout entier.

Je le réalise assez vite, je suis une véritable machine de guerre. Ils ont sélectionné le dinosaure le plus rapide et le plus vif, le plus résistant et durable, mais aussi le plus puissant et féroce qu'ils aient pu créer, pour cette arme. Et cette ingéniosité se retourne désormais contre eux. Je me rends bien vite compte que je ne possède pas le seul prototype quand d'autres dinosaures s'élèvent contre moi et tentent de me barrer la route, mais ils sont plus petits que moi, et ils n'ont probablement pas l'expérience que j'ai. Je les renverse sans ménagement, et je les saisis même pour utiliser leurs corps massifs pour démolir les bâtiments alentours. Il n'y a plus aucune issue pour eux, et le carnage résonne jusque dans les environs. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de cette base militaire, et que je reprenne forme humaine plus loin, dans une forêt, un sourire aux lèvres.

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Alors que je m'avance sur les quais de la gare, les quelques voyageurs s'empressent de s'écarter de mon chemin, et dans les regards qu'ils me lancent, je ne sens plus le mélange de peur et de haine que j'inspirais autrefois. Devant mes vêtements brunis par le sang séché qui laissent deviner le harnais métallique dessous, leurs regards se font las, et presque compatissants. Ils savent que je ne leur ferai aucun mal, et que je n'en ai plus pour très longtemps de toute manière. Cela fait des années que mes cheveux ne sont plus gris à cause de la teinture.

Cela fait désormais une bonne dizaine d'années que j'ai rayée la dernière base militaire de la carte, et saccagé leurs derniers repaires dans la capitale. Un combat qui aura duré de longues années, et que j'ai passé le plus clair du temps sous ce que j'appelle désormais ma forme de combat. Mais je l'ai appris trop vite, et pourtant trop tard. Ce prototype a un prix, et je sens désormais ma santé se dégrader à chaque nouvelle utilisation. Mon regard est las, fatigué, et malgré tout ce que je peux avaler, mes côtes se creusent davantage chaque jour. Mais malgré toutes les victimes que j'ai faites, et toutes les atrocités que j'ai pu commettre, je ne regrette pas du tout le jour où j'ai refermé mes doigts sur ce harnais. Les regards des citoyens de l'Ordre en sont la preuve. Pour une fois, pour la première fois de l'histoire, ils n'ont pas gagné. Ils ont payé le prix de leur ambition démente, et le peuple s'est finalement rangé du côté de la justice qui a condamné leur dirigeants.

Le monde change enfin, et les quelques attaques militaires pour mettre fin à mon existence se font plus sporadiques, plus hésitantes, et surtout très controversées. Mon vieux camarade a été reconnu comme victime de guerre, et les quelques autres membres de notre nation qui avaient fui la guerre ont pu récupérer nos terres et vont certainement reconstruire. Plus rien ne sera comme avant, mais c'est une petite victoire que plus personne n'aurait osé espérer. Que moi-même j'avais cessé d'espérer depuis longtemps. Mais je sais que je n'aurai pas la chance de le voir. C'est mon dernier train, et ma dernière heure. Mon dernier voyage.

S'il y a une chose dont j'ai acquis la certitude après toutes ces années, et dont je pense même le peuple a conscience, c'est que personne ne doit plus disposer d'un tel pouvoir. J'ai aidé à éradiquer le parasite et toutes les autres abominations qu'ils avaient créé, et leurs scientifiques en ont emporté le secret dans leur tombe, sous mes attaques monstrueuses. Il ne reste désormais plus que moi.

Lorsque le bateau se pose enfin sur le sable de l'île abandonnée, je me sens envahie d'un soulagement que je n'avais pas ressenti depuis des années, puis je sens mon cœur se serrer à la vue de la vieille villa. J'ai vu tant de personnes mourir ici... et désormais c'est mon tour de les rejoindre. J'ai commis tellement d'erreurs, et j'aurais pu faire tellement plus pour chacun d'entre eux... mais jusqu'au bout, j'aurai eu le sentiment de faire ce qui était juste. Je plante l'aiguille métallique qui m'a suivie toutes ces années dans le sable, et lentement, je m'avance dans l'eau vers l'horizon. Le poids du harnais m'empêche de remonter, et je vois désormais la surface au dessus de moi, mais je ne presse pourtant pas l'activateur. J'attends le dernier moment, puis profitant de la capacité respiratoire du monstre, je m'enfonce encore plus, jusqu'à disparaître totalement sous l'eau. Je finis par ne même plus percevoir la surface sous les mètres d'eau qui m'en séparent, mais pourtant je continue. Puis au bout d'une éternité, je sombre finalement dans l'inconscience, et dans l'oubli.

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